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Comment négocier son salaire

  • BY: Olivier
J’ai eu la chance d’accompagner une femme, ancienne cadre dirigeante, au moment de la recherche d’une nouvelle opportunité professionnelle , appelons-la Julie [le prénom a été changé]. Parmi toutes les questions à résoudre, une question simple et immédiate est apparue: comment fait-on pour négocier son salaire ?

C’est une question qui est toujours posée en formation à la négociation. Et vingt ans d’expérience comme salarié dans différentes entreprises m’ont appris que cette question est compliquée pour beaucoup de personnes et que les réponses qu’on peut glaner ici ou là ne sont pas toujours convaincantes.

De la difficulté de négocier un salaire

Dans un processus de recrutement, il y a un moment ou la question est posée : « quelles sont vos prétentions salariales ? » Pour avancer dans la recherche d’une solution efficace, il faut se rappeler ce qu’on ressent à ce moment- là.

Julie a deux pensées automatiques :

  • Je veux avoir une bonne rémunération, j’ai peur de donner un chiffre trop bas, et je raterai l’opportunité d’obtenir un meilleur salaire que ce je croyais, ce que j’avais avant, ou ce que j’avais en tête
  • J’ai peur de donner un chiffre trop haut et de choquer cette personne. J’ai peur qu’elle pense que je suis une candidate trop chère et qu’elle choisisse un autre candidat.Il y a surement des candidats qui sont proches de ce que je suis, mais qui demandent un salaire moins élevé.

    Nous ressentons donc une tension autour de deux risques identifiés et précis : trop ou pas assez. On peut être sur un poste avec plus ou moins 1000 euros par an, ou un poste avec des différences de 50 000€. Ca ne change pas la définition du problème : que faire entre ceux deux positions : trop ou pas assez.

    Pour aller plus loin, je demandais à Julie de m’expliquer plus précisément les risques. Une des difficultés est de savoir si la personne en face va discuter le chiffre ou non. Certains recruteurs ou dirigeants ne sont pas à l’aise avec la question du salaire, ils vont noter le chiffre, ne rien commenter, finir l’entretien et décider seul ce qu’il pense de cette rémunération. « Je peux toujours discuter le chiffre, car j’ai des arguments », dit-elle : « mon expérience, ma valeur ajoutée, tout ce que je pourrais apporter, mais si la communication est bloquée, comment faire ? »

    « D’autre part », me dit-elle, « le recruteur peut avoir des idées très précises et fausse. Un cabinet de recrutement m’a dit qu’il poussait tous ses clients (les recruteurs) a augmenter la rémunération, tellement ceux-ci ont des idées d’il y a 20 ans sur les salaires d’aujourd’hui ». Parfois le manque de référence des recruteurs est patent.

    Ensuite sur le chiffre, certains vont afficher des salaires sur l’annonce, alors qu’ils peuvent donner plus, et d’autres on fait un travail précis et ils ont vraiment indiqué ce qu’il pouvait donner, et pas un euro de plus. Même avec le texte de l’annonce, on ne sait donc pas quelle est notre marge de manœuvre.

    Enfin, un aspect très particulier de la négociation de son salaire, c’est le ressenti. Julie me disait qu’elle se sentait extrêmement stressée par cette discussion. "Avez-vous déjà négocié des contrats avec des niveau plus élevés que votre salaire ?" « Bien sûr, négocier un contrat avec un fournisseur sur un budget d’1 M€ ne me pose pas de problème. » Il y a une spécificité à la négociation de son salaire.

    On négocie pour soi, donc avec des risques personnels. Si on n’obtient pas assez, on risque de ressentir de la frustration avec son salaire trop bas pendant des mois. Si on négocie trop, c’est inconfortable, en poste il y aura des attentes très fortes, qui peuvent devenir impossibles à réaliser. Et puis derrière la question du salaire, se cachent des tas de questions essentielles de l’ego : suis-je reconnu à ma valeur, pourrais-je accéder à mes désirs de maison, de voyage avec un meilleur salaire, serais-je accepté par l’équipe, etc.

    Or la personne en face a beaucoup moins d’enjeu personnel, le recruteur est dans la recherche d’un bon candidat au meilleur prix. La relation est donc déséquilibrée, car l’investissement émotionnel est très différent des deux côtés de la table.

    Donc négocier un salaire est complexe, car c’est très émotionnel pour soi et déséquilibré. On risque de faire rapidement une erreur fatale. On ne sait pas comment l’autre va réagir et on manque parfois de référence.

    Comment donc négocier son salaire

    La première chose face à une émotion trop forte est de la réduire. Il faut pratiquer la désescalade émotionnelle. Comment faire ?

    Il faut d’abord prendre conscience qu’on est dans un jeu simple. In fine, on peut imaginer couper la poire en deux. Le candidat a un chiffre en tête, le recruteur en a un autre, la solution est quelques chose entre les deux. Donc l’objectif final est visualisable, simple, accessible. On sait qu’on sera entre ces deux chiffres. La question se simplifie donc vers : comment arriver à un chiffre valable pour les deux parties. Essayer de réduire les enjeux personnels est le premier travail sur soi à réaliser.

    Ensuite, il faut éviter l’erreur fatale, c’est-à-dire éviter que Julie présente un chiffre inacceptable qui clôt la discussion. Pour cela, on doit sortir de l’idée d’affirmer sa volonté. La négociation n’est pas un combat de deux volontés dont la plus forte s’impose à l’autre. Il est tentant de penser qu’on a plus de chance d’obtenir ce qu’on veut si on l’affirme haut et fort. Mais le risque est de de fermer cette discussion. Et pour ne pas clore la discussion, il faut la laisser ouverte, évidemment. Et donc ne pas affirmer. En négociation, quand on ne sait pas, le mieux est toujours de poser des questions.

    Pratiquer la désescalade émotionnelle, c’est se projeter hors de soi. Se concentrer sur l’autre, ses besoins, sa structure de pensée, la manière dont il imagine les choses. Poser des questions est la formule magique pour y arriver. Comment fixez-vous les salaires ? Quand le salaire est-il révisable ? Quels sont les critères pour espérer un salaire plus élevé, etc ?

    Si on tient à affirmer, parce qu’on sent l’autre hésitant et peu sur de lui, on peut toujours affirmer ses principes, plutôt que ses chiffres. Dire « mes présentations salariales sont de 90 K€ », c’est une affirmation forte, qui peut susciter un rejet. Affirmer un principe d’égalité n’est jamais un problème « je pense qu’une rémunération à la hauteur du marché est nécessaire », « je désire un salaire à la même hauteur que les personnes ayant les mêmes responsabilités que moi ». L’idée est de d’abord tourner autour du chiffre et de l’entourer de principes, de règles, pour que ce chiffre devienne évident.

    Toute négociation réussie est fille de préparation. J’ai demandé à Julie de venir avec des références, des données extérieures et si possible faisant autorité, sur les rémunérations pour le job qu’elle convoite. Il faut ancrer le chiffre du salaire dans un environnement ou les références sont partagées.

    A un moment vient le point du chiffre. On ne peut pas tourner autour du pot pendant des heures pour éviter de répondre à la question « quelles sont vos prétentions salariales ? » ; C’est celui qui dégaine le premier qui fixe une ancre. Pour éviter à la fois de choquer ou d’accepter un chiffre bas, tout sera question de manière de faire. Proposer plutôt qu’affirmer, dire « je pense que X€ est une rémunération juste, j’aimerai réfléchir à, etc. Il faut à la fois être ferme dans sa volonté d’aboutir et ne pas laisser le premier chiffre énoncé devenir la référence, et accepter d’en parler, tout en se positionnant dans une attitude d’ouverture. En négociation, il faut toujours être ferme et ouvert. Et d’ailleurs, plus on a préparé, plus on a d’expériences, plus on est capable d’être ferme sur un objectif qu’on s’est donné. Idéalement, on arrive en négociation salariale avec une grande certitude sur le salaire possible, on se sent fort pour pouvoir faire bouger le chiffre.

    La question finale est celle de la concurrence. Si Julie pense qu’elle est une candidate comme les autres, elle se place dans une situation difficile. Car la question, pour elle, est : est-ce qu’il y a d’autres candidats, est-ce qu’ils sont mieux que moi, est-ce qu’ils demandent moins. Evidemment un candidat qui se présenterait avec des compétences uniques au monde et qui amènerait des solutions pour faire gagner des millions n’aurait pas à négocier son salaire. Quelle est l’alternative pour le recruteur ? Julie ne le sait pas, et ne peux pas le savoir. Pire, on peut difficilement poser des questions sur ce sujet. La seule solution est donc d’affirmer son unicité. C’est la partie acte de vente du recrutement, montrer à l’acheteur qu’on est unique, différent et qu’on apporte une valeur forte.

    En résumé

  • Préparer au maximum sa négociation en arrivant avec des chiffres validés par des références extérieures
  • Pratiquer la désescalade émotionnelle en se représentant un jeu simple qui doit aboutir à un chiffre
  • Tourner autour de ce chiffre en posant des questions et en affirmant son unicité
  • Être ferme sur ses objectifs et avoir une attitude d’ouverture


  • Julie a réussi à suivre ces préceptes et a réussit à un obtenir un salaire – et des avantages – au-delà de ses espérances, sans choquer personne !

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